L’e-commerçant permet aux agences et annonceurs d’utiliser sa donnée transactionnelle au sein de son propre inventaire mais aussi d’autres ad-exchanges.
Dans un marché français de la publicité online verrouillé par deux acteurs, Google et Facebook, qui captent près des deux-tiers des investissements, un nouvel entrant essaie de bousculer la hiérarchie. Le géant mondial de l’e-commerce Amazon (près de 140 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2016) investit depuis deux ans dans une offre publicitaire baptisée Amazon Media Group. Celle-ci permet aux agences et annonceurs d’utiliser la data de l’e-commerçant pour acheter son inventaire natif mais aussi au sein d’autres ad-exchanges en utilisant le DSP maison. Ce dernier est déjà connecté aux principales places de marché : Google Adexchange, Appnexus, Rubicon Project…
Le managed-services privilégié
L’offre est accessible en self-service, le trading-desk pilote la campagne directement depuis le siège qu’il a au sein du DSP d’Amazon, ou en managed-services, les équipes internes pilotant la campagne selon les indications du client. le groupe semble pour l’instant privilégier la deuxième option. Seuls deux ou trois trading-desks ont, selon nos informations, un accès direct à la techno en France. Les autres doivent se contenter d’envoyer des ordres d’insertion à l’armée de traders Amazon qui pilotent le DSP depuis Londres. Un choix qui s’explique sans doute par la volonté du marchand d’optimiser lui-même la courbe d’apprentissage d’un produit encore très jeune… et de faire plus de marge, le modèle du managed services étant plus rémunérateur.
Dans les deux cas, Amazon propose des bundles « media + data » aux agences. « Le business model d’Amazon étant très orienté e-commerce, les équipes commerciales concentrent leurs efforts sur les campagnes qui envoient vers l’espace commercial de l’annonceur au sein du site », précise Erwann Lohezic, directeur général d’iProspect, qui fait partie des rares à avoir un accès direct au DSP d’Amazon.
« Une data transactionnelle riche : 40% des visiteurs d’Amazon sont des acheteurs »
La force du marchand réside dans toutes les informations qu’il détient sur l’historique de recherches et d’achats de ses clients. Une data transactionnelle et loguée que Google comme Facebook sont loin de posséder ! « Il faut savoir que près de 40% des visiteurs d’Amazon sont des acheteurs », chiffre Nicolas Schmitz, PDG de Performics France. De quoi lui octroyer un véritable pécule de data qui va augmenter à mesure que son audience grimpera.
Entre fin 2008 et fin 2016, Amazon a plus que doublé le nombre de ses visiteurs uniques (VU), selon Médiamétrie, passant de 10 à 21 millions par mois en France. « Il est de très loin la première marketplace e-commerce hexagonale, même si sa domination n’est pas aussi écrasante qu’aux Etats-Unis », note Erwann Lohezic.
Entre « look-alike audience » et création de segment faits-maisons, l’e-commerçant est plutôt flexible lorsqu’il s’agit de raffiner la data qu’il détient. « On travaille ensemble à la création des clusters d’audience, en fonction de la cible que l’on vise. Le responsable de l’achat média d’un parc de loisirs pourra ainsi décider de cibler les personnes qui ont acheté un produit jeunesse », pointe Nicolas Schmitz. De même, un annonceur qui cible les CSP+ pourra se concentrer sur les détenteurs d’American Express et autres cartes de paiement premiums. Amazon détenant aussi les informations de paiement.
Autre atout, le programme de livraison illimitée « Premium » permet à l’e-commerçant de « verrouiller » près de 4 millions de clients dans l’Hexagone. « Cela lui permet également de proposer aux annonceurs une data géolocalisée de qualité. « Amazon peut segmenter sa base de données à partir des adresses de livraison qu’il détient et nous permettre de cibler Paris Est, par exemple », illustre Nicolas Schmitz.
« Amazon figure parmi les bons élèves du RTB côté ROI. Même s’il reste derrière Google AdWords et Facebook sur ce point »
Pour quelles performances ? « Amazon figure parmi les bons élèves du RTB côté ROI. Même s’il reste derrière Google AdWords et Facebook sur ce point », répond Erwan Lohezic. Même son de cloche chez Nicolas Schmitz qui reconnait que « le coût de la donnée est supérieur à celui d’une donnée socio-démo standard ». Cependant, il estime s’y retrouver au vu des « taux de transformation obtenus ». Erwan Lohezic confirme, expliquant n’avoir « aucun souci à payer chère une data transactionnelle qu’il est difficile de trouver ailleurs ». Son coût est, de fait, plus élevé que celui de la donnée socio-démo standard.
Le DSP d’Amazon est en revanche largement perfectible… et encore loin du niveau d’un Doubleclick Bid Manager ou Appnexus. « Les bugs sont encore fréquents », ajoute Erwan Lohezic. Sans doute la raison pour laquelle Amazon fait encore profil bas. Les formats proposés sont encore très basiques, de la bannière display essentiellement, et la vidéo commence à être proposée en extension d’audience. Mais l’intégration aux deux principaux SSP vidéo du marché, Freewheel et Youtube, n’est pas encore proposée.
S’il n’a pas l’ADN adtech de ces concurrents, il ne fait guère de doute qu’Amazon va profiter de l’énorme rente que lui occasionne son activité de « Web services » pour investir un peu plus en technologie propriétaire, via de la croissance externe ou de la R&D. Il suffit pour s’en convaincre de voir les annonces récentes de l’e-commerçant qui a présenté en décembre une offre de référencement payant au sein de son moteur de recherches. Amazon mise beaucoup sur ses activités publicitaires. Conséquence : son offre gagne en consistance et monte en puissance.
« Le DSP d’Amazon est chaque mois dans le top 10 de nos plus gros acheteurs et parfois dans le top 5 »
« On opère le DSP nous-même sur des volumes assez significatifs, de plusieurs millions d’euros, depuis 2015. Et on a doublé les investissements en 2016 », confirme Nicolas Schmitz. « Le DSP d’Amazon est chaque mois dans le top 10 de nos plus gros acheteurs et rentre parfois dans le top 5 », reconnait Emmanuel Crego, directeur du programmatique chez AOL France. Ce dernier estime d’ailleurs que ce sont sans doute les plus gros trading-desks qui doivent craindre ce nouvel entrant. « Amazon devient un concurrent sérieux aux trading-desks qui sont, eux, obligés de passer par des apporteurs de data tierce. »
Le timing de la stratégie publicitaire d’Amazon semble plutôt bon. D’importantes parts de marché vont être à prendre à mesure que les acteurs de la grande consommation vont basculer une partie de leurs investissements TV vers le digital. Ces derniers se tourneront sans doute naturellement vers une offre qui leur garantira un impact direct sur leurs ventes online. Les e-commerçants français ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Cdiscount propose lui aussi via son pôle commercial 3W Régie une offre de ce type. Carrefour est quant à lui en phase active de test pour voir comment il peut valoriser les informations relatives aux près de 2,5 millions de cartes de fidélité qu’il détient. Quant à Vente-privee.com, il a investi plus de 10 millions d’euros en septembre 2016 dans le DSP mobile Adotmob qui lui permet de proposer une offre similaire. Les e-commerçants se sont découverts une nouvelle mine d’or.
Source : http://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1192242-amazon-publicite-data-clients/